Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome I.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
99
JOURNÉE II, SCÈNE I.

coquin.

Ma foi, madame, vous ne risquez rien de bien caresser aujourd’hui le pauvre prisonnier et de lui laisser baiser votre main tant qu’il voudra ; car je ne sais pas trop s’il peut se promettre longtemps ces douceurs.

doña mencia.

Que dis-tu là ?

don gutierre.

Des folies.

coquin.

Non pas, monseigneur, ce ne sont pas des folies que je dis là. Mais, madame, ne vous inquiétez pas par avance. Je suis très-bien avec le roi ; il m’aime à la rage, et je vous garantis qu’il sera indulgent envers le maître en faveur de l’écuyer.

don gutierre.

Tais-toi, mauvais plaisant.

coquin.

Je n’ai plus qu’un mot à dire ; c’est que, madame, nous avons tant galopé, galopé pour arriver ici de bonne heure, que mon maître doit avoir faim, et si vous lui donnez quelque chose, je profiterai de l’occasion.

doña mencia, à don Gutierre.

Il me sera difficile de vous bien traiter, car je ne vous attendais pas, et vous m’avez prise au dépourvu. Néanmoins je vais préparer le souper.

don gutierre.

Appelez une esclave.

doña mencia.

Je suis la vôtre, moi, monseigneur, et je cours vous servir. (À part.) Sauvons par un coup hardi, s’il est possible, mon honneur. Que le ciel me soit en aide !

Elle sort.
don gutierre.

Toi, Coquin, ne t’éloigne pas, fais trêve un peu à tes extravagances, et songe qu’il faut que nous soyons de retour à la prison avant le jour. Il ne tardera pas à paraître. Tu peux rester ici avec moi.

coquin.

Je songe, au contraire, à vous conseiller une ruse, une ruse de guerre, la ruse la plus curieuse, la plus étonnante que jamais l’imagination des hommes ait inventée. Votre vie en dépend. C’est là une ruse, une excellente ruse !

don gutierre.

Et quelle est-elle, voyons ?

coquin.

Elle a pour but de vous faire sortir de prison sain et sauf.