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LE MÉDECIN DE SON HONNEUR.

heure du jour que vous veniez. Prenez cette bague ; vous n’aurez qu’à la montrer.

le chirurgien.

Que le ciel vous garde, sire !

Il sort.
le roi.

Ah ! don Diègue !

don diègue.

Qu’y a-t-il, sire ?

le roi.

L’aventure du monde la plus étonnante.

don diègue.

Vous paraissez triste.

le roi.

Je n’en ai que trop de raisons, et je suis accablé de fatigue.

don diègue.

Votre majesté ferait bien peut-être d’aller se reposer. Voilà le jour qui commence à paraître là-bas à l’horizon.

le roi.

Je ne puis aller me reposer jusqu’à ce que je sois instruit d’une chose qui m’intéresse vivement.

Entre COQUIN.
coquin.

Sire, quand même vous devriez me tuer pour vous avoir reconnu, j’ai à vous parler. Daignez m’entendre.

le roi.

Tes plaisanteries sont hors de saison.

coquin.

Écoutez-moi ; je viens vous parler sérieusement. Je veux vous faire pleurer, puisque je ne peux vous faire rire. — Le seigneur don Gutierre, mon maître, trompé par les apparences, avait conçu d’injustes soupçons sur la fidélité de sa femme. Aujourd’hui, ou pour mieux dire hier, il l’a surprise qui écrivait une lettre à l’infant, où elle l’engageait à ne pas s’éloigner de Séville, de peur que ce départ subit ne portât préjudice a sa réputation. Il est entré et lui a enlevé cette lettre. Après s’être livré à mille transports de jalousie, il a renvoyé tous ses domestiques, hommes et femmes ; il a fermé toutes les portes et il est demeuré seul avec elle. Je crains un malheur. Sauvez-la, sire ; sauvez ma maîtresse !

le roi.

Comment pourrais-je te récompenser ?

coquin.

En rompant notre marché, en renonçant à l’action que vous avez contre mes dents.

le roi.

Ce n’est pas l’heure de rire.