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NOTICE SUR CALDERON.

Ainsi, par exemple, sa comédie intitulée Ne badinez pas avec l’amour (No ay burlas con el amor) a inspiré à Molière l’idée générale et plusieurs détails essentiels des Femmes savantes ; elle a inspiré à M. Scribe deux de ses plus jolis chefs-d’œuvre (11) ; et il y aurait encore dans cette pièce une charmante comédie pour qui saurait l’y trouver comme Molière et M. Scribe.


Dans la composition, Calderon procède diversement, suivant que sa pièce est une comédie d’intrigue ou une comédie sérieuse.

Parmi les comédies d’intrigue de notre poète, il en est une intitulée les Engagemens du hasard. Ce titre, Calderon aurait pu le donner à toutes ses comédies d’intrigue : car dans toutes c’est le hasard, — un hasard, il est vrai, plein d’esprit et de malice, — qui conduit les evénemens. — Un jeune cavalier Espagnol, un galant arrivé à l’instant même de Flandre ou d’Italie cherche, la nuit, par les rues de la ville, la demeure d’un ami chez lequel il doit loger. Tout-à-coup une dame se présente à lui, et d’une voix émue : « Seigneur cavalier, s’il y a en vous quelque courtoisie, protégez une femme, etc. » Le cavalier, qui est fort courtois, accompagne chez elle la dame inconnue. Or, il se trouve que cette dame est précisément la sœur de son ami. Or cet ami, ce frère est épris d’une dame, amie de sa sœur, que notre cavalier nouveau débarqué devait épouser. Or il y a un troisième cavalier, adorateur dédaigné de la dame qui courait le soir, je ne me rappelle plus trop pour quel motif, les rues de Madrid. Et de là tous les incidens imaginables : les deux dames voilées qui sont prises l’une pour l’autre ; l’un des galans qui se cache en entendant du bruit ; l’autre galant qui le rencontre et l’oblige à tirer l’épée, et le frère qui survient. À la fin, quand il y a eu assez de quiproquos et de méprises, tout s’arrange par deux ou trois mariages, sans compter celui du valet bouffon, ou gracioso, avec la suivante. Telle est, en quelque sorte, l’abstraction dramatisée des comédies d’intrigue de Calderon.

Et ceci, ce n’est pas moi seulement qui le dis, c’est Calderon. Oui, Calderon lui-même, dans les allocutions qu’il adresse souvent au public au milieu de ses pièces, a reconnu plus d’une fois que ces incidens romanesques étaient les élémens