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L’ALCADE DE ZALAMÉA.

les soldats.

C’est vrai ! c’est vrai !… Vive l’Étincelle !

rebolledo.

Oui, morbleu ! vive l’Étincelle ! et surtout si, pour charmer les ennuis de la marche, elle veut bien nous régaler d’une petite chanson.

l’étincelle.

À cette demande je réponds avec les castagnettes.

rebolledo.

Et moi je t’accompagnerai. Escrimons-nous à qui mieux mieux, les camarades jugeront.

les soldats.

Vive Dieu ! c’est bien dit.

l’étincelle, chantant.

Mirliti ! mirliton !
Je suis l’âme de la chanson.

rebolledo, chantant.

Mirliti, mirliton,
Je suis l’âme de la chanson.

l’étincelle, de même.

Que l’enseigne s’en aille à la guerre,
Et que le capitaine s’embarque.

rebolledo, de même.

Tue les Mores qui voudra,
Pour moi, je n’ai pas à m’en plaindre.

l’étincelle, de même.

Allons, que le four chauffe,
Et que le pain ne me manque pas.

rebolledo, de même.

Hôtesse, mettez vite une poule au pot,
Car le mouton me fait mal[1].

premier soldat.

Holà ! regardez ! J’en suis presque fâché, car la chanson me faisait oublier la fatigue ; mais quelle est donc cette tour là-bas ? n’est-ce pas l’endroit où nous allons ?

rebolledo.

Serait-ce là Zalaméa ?

l’étincelle.

Le clocher le dit. (Au premier soldat.) Ne regrettez pas tant la chansonnette, nous aurons mille occasions de la reprendre ; d’autant que ça m’amuse. Il y en a qui pour la moindre chose pleurent ; moi pour un rien je chante, et je vous chanterai mille chansons.

  1. Huespeda, mate me una gallina,
    Que el carnero me hace mal.

    Le mot carnero (mouton, bélier) prête en espagnol à toutes sortes de plaisanteries. Mais il est possible que Calderon ait voulu tout simplement montrer l’exigence et la délicatesse des soldats, en leur faisant exprimer ce dédain pour une viande qui est en Espagne très-estimée.