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L’ALCADE DE ZALAMÉA.

isabelle.

Rentrons, mon père, je vous prie.

inès.

Puisque nous n’avons plus les soldats, restons encore un moment sur la porte, et jouissons de la fraîcheur de la soirée. Les voisins vont sans doute également sortir de leurs maisons.

crespo.

À la vérité, je ne désire pas rentrer non plus, moi ; car d’ici je vois le chemin qu’a suivi mon enfant, et il me semble que lui-même je le vois marcher. — Inès, apporte-moi un siège.

inès.

Voila un petit banc.

isabelle.

On dit que cette après-dinée la municipalité a fait l’élection des magistrats.

crespo.

C’est toujours ici, au mois d’août, qu’ont lieu les élections.

Pedro Crespo, Isabelle et Inès s’asseyent.


Entrent, de l’autre côté, LE CAPITAINE, LE SERGENT, REBOLLEDO, L’ÉTINCELLE et des Soldats.
le capitaine.

Ne faites pas de bruit. Avance, toi, Rebolledo, et va-t’en avertir la servante que je suis ici.

rebolledo.

J’y vais. Mais que vois-je ? Il y a du monde devant sa porte !

le sergent.

Et moi, aux reflets de la lune qui éclaire leurs visages, il me semble reconnaître Isabelle.

le capitaine.

Oui ! mieux encore que la lune, mon cœur me dit que c’est elle. Nous arrivons au moment favorable ; et si nous avons du cœur, nous n’aurons pas à regretter d’être venus.

le sergent.

Capitaine, permettez-vous un conseil ?

le capitaine.

Non.

le sergent.

En ce cas, je ne vous le donnerai pas ; faites tout ce que vous voudrez.

le capitaine.

Je m’approche hardiment, et j’enlève Isabelle. Vous, l’épée au poing, empêchez qu’on ne me suive.

le sergent.

Puisque nous sommes venus, c’est pour vous obéir.