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NOTICE.

son langage. Il se sert presque toujours de grands vers mêlés d’octosyllabiques, au lieu de se servir du vers de romance, et, à l’exception d’un seul passage où Calderon lui a prêté sa merveilleuse facilité à découvrir des rapports délicats entre deux choses de nature différente ( nous voulons parler de la comparaison des soupçons jaloux avec les jeunes garçons qui mènent les aveugles), il s’exprime habituellement d’une manière emphatique qui ne convient guère a sa situation. Du reste, nous devons ajouter que ce ridicule que nous trouvons à don Juan tient uniquement à un défaut de pénétration et de goût. Il est posé dans la pièce comme un homme brave, généreux et plein d’honneur. Calderon n’a que bien rarement avili ses personnages ; il semble qu’il respecte en eux le caractère castillan.

Maintenant, qu’une critique nous soit permise. — La première fois que don Juan paraît en scène, il confie à don César qu’il se propose de demeurer deux jours à Gaëte incognito, avant de se présenter chez le gouverneur ; il se présente chez le gouverneur dès le même jour, et ensuite, le même soir, il revient dire à son ami qu’il s’y est présenté depuis deux jours. Notez bien que ce n’est pas ici et que ce ne peut pas être un mensonge de don Juan ; c’est purement et simplement une licence de Calderon. Calderon a l’habitude de disposer du temps à sa fantaisie, et, en principe, cette poétique est, à notre avis, tout aussi bonne qu’aucune autre ; mais ce que la raison repousse, c’est que l’auteur dramatique se permette de supputer le temps d’une manière à la fois idéale et positive, suivant le caprice de son imagination et suivant la réalité. Or, c’est là précisément ce que Calderon a fait dans le passage que nous blâmons. Pour éviter cette faute, il eût suffi au poète de supposer deux jours d’intervalle entre la scène qui se passe chez le gouverneur, au commencement de la seconde journée, et celle qui se passe ensuite dans la prison, ou mieux encore, de mener franchement don Juan chez le gouverneur dès le premier jour de son arrivée. Nous avons laissé au lecteur le soin de la correction, il n’y a pas dix mots à changer.

Peor está a été imité en 1707 par Lesage, qui a intitulé sa pièce Don César des Ursins. Cette imitation, assez faible, n’est cependant pas dénuée de tout mérite, et l’on y peut entrevoir, dans quelques détails, le futur auteur de Turcaret et de Gil Blas.