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DE MAL EN PIS.

camacho.

De quoi donc vous fâchez-vous, monseigneur ?

don césar.

De ce que tu m’as demandé quelle est la femme qui vit dans mon cœur. Peut-il s’occuper d’une autre femme que la belle Flerida ?

camacho.

Vous l’aimez à l’excès, j’en conviens ; mais pourtant un autre amour vous distrait en ce moment.

don césar.

Parce que je suis loin d’elle, hélas !

camacho.

Il n’y a pas de quoi soupirer. Tous et toutes nous en faisons autant.

don césar.

J’ai perdu en une nuit fatale ma patrie et mes amours.

camacho.

Et vous avez commis une faute que tout le monde vous reproche.

don césar.

De m’être battu, n’est-ce pas ?

camacho.

Non, une autre.

don césar.

Laquelle, alors ?

camacho.

Une autre, monseigneur, qui est bien moins pardonnable que de vous être battu et d’avoir tué votre homme.

don césar.

Mais laquelle, enfin ?

camacho.

D’avoir fui ainsi à la hâte, d’avoir quitté votre patrie sans enlever vos amours.

don césar.

Fort bien ; mais s’ils aiment, ceux qui m’accusent, dis-leur qu’ils entrent chez leur dame et qu’ils la trouvent avec un autre… Puis, dans une circonstance aussi cruelle, il me fut impossible de modérer ma colère et de conserver ma présence d’esprit… Si c’était à recommencer, je me conduirais sans doute autrement, parce qu’on ne commet pas deux fois la même faute ; mais je n’avais pas alors ma funeste expérience. — Mais que sera devenue Flerida ?

camacho.

J’ai entendu dire à un voyageur qu’on assurait à Naples qu’elle s’était retirée dans un couvent.

don césar.

Le crois-tu, toi, Camacho ?

camacho.

Moi, monseigneur, je crois tout ce que vous voudrez que je croie.