LA VIE EST UN SONGE.
- basilio, roi de Pologne.
- sigimond, prince.
- astolfe, duc de Moscovie.
- clotaldo, vieillard.
- clairon, valet bouffon.
- estrella[1], infante.
- rosaura, dame.
- soldats, gardes, musiciens, cortège.
JOURNÉE PREMIÈRE
Scène I
Impétueux hippogriffe[2], aussi rapide que le vent, arrête-toi ! Pourquoi, éclair sans flamme, oiseau sans plumes, poisson sans écailles, et quadrupède sans instinct naturel, — pourquoi donc t’emporter et t’élancer, le mors aux dents, au milieu du confus labyrinthe de ces rochers dépouillés ?… Arrête, te dis-je, arrête-toi sur cette montagne, où les animaux sauvages auront aussi leur phaéton. Pour moi je ne veux pas aller plus avant, et terminant mon voyage où m’a conduite le destin, désespérée, je descends les hauteurs escarpées de ce mont sourcilleux qui brave le soleil… Ô Pologne ! ce n’est pas là une attrayante hospitalité que celle que tu m’offres, puisqu’au moment où je mets le pied sur ton sol, tu permets que je le rougisse de mon sang. Hélas ! mon sort ne me promettait pas davantage, et qui jamais eut pitié d’un malheureux ?
Vous pourriez bien dire deux, s’il vous plaît, et ne pas m’oublier quand vous vous plaignez ; car si nous sommes deux qui avons quitté notre pays pour chercher les aventures, deux qui sommes arrivés jusqu’ici à travers toutes sortes de folies et de disgrâces, et deux encore qui avons dégringolé du haut de la montagne, — il n’est pas juste que j’aie partagé les périls et qu’ensuite je ne sois plus compté pour rien.