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JOURNÉE II, SCÈNE I.

marcela.

Je te comprends : écoute. Ta maison a deux portes ; j’ai recommandé à Silvia de l’amener par la porte qui donne sur l’autre rue. De cette façon, ce jeune homme, en venant ici, lui qui est étranger à Ocaña, ne saura pas qu’il vient dans ta maison, et ainsi tu ne risques rien.

laura.

Je risque qu’il prenne des informations, qu’il soit instruit demain de ce qu’il ignore aujourd’hui, et qu’il ne pense que c’est moi qu’il aura vue.

marcela.

Sois tranquille, je me suis vêtue exprès ; j’ôterai ma mante et je recevrai sa visite comme si j’étais dans ma maison.

laura.

Fort bien. Mais mon père… s’il rentrait et qu’il rencontrât ici un homme ?…

marcela.

Eh ! mon Dieu ! Laura, il n’est pas sûr que ton père rentre de sitôt ; et s’il rencontre ici un homme causant avec moi… Allons, Laura, ma bonne Laura, je t’en prie, rends-moi cet éminent service ; je l’attends de ton amitié.

laura, à part.

Il m’est impossible de lui dire l’inconvénient que je redoute le plus ; c’est que don Félix n’arrive, ne les surprenne l’un et l’autre, et qu’il ne pense que je favorise une liaison entre sa sœur et son ami.

Entre CELIA avec sa mante.
silvia, à Marcela.

J’ai parcouru vingt fois Ocaña en tous sens avant de pouvoir le trouver.

marcela.

Et à la fin tu l’as trouvé ?

silvia.

Oui, madame. Je lui ai remis votre billet ; il l’a lu rapidement, a marché derrière moi, et il fait sentinelle en ce moment à la porte que vous m’avez dite.

marcela.

Tu vois, Laura, il n’y a plus moyen de t’en défendre.

laura.

Je te sers à contre-cœur.

marcela.

Ote-moi, Celia, cette mante ; et toi, Silvia, va le chercher. (Silvia sort.) Pour toi, Laura, je n’ose pas te prier de demeurer.

laura.

Non, Marcela ; de toute façon j’aime mieux te laisser seule. Te