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JOURNÉE III, SCÈNE II.

lisardo.

En vérité, tu es fou.

calabazas.

C’est que je n’aime pas les donzelles qui tombent ici comme des nues.

lisardo.

Finis, Calabazas ; écoute. Comme je n’ai rien de caché pour toi, je te dirai qu’on m’attend ce soir où je suis allé déjà hier. Voici la nuit qui commence, j’y vais. Attends-moi ici.

calabazas.

Que je vous attende ?

lisardo.

Oui.

calabazas.

Non pas, monseigneur. Il faudrait pour cela que je fusse un triple Juif. Vous ne pouvez pas aller seul dans une maison où l’on vous a enfermé, où il y a un père qui veille, et, de plus, un galant qui ne dort pas.

lisardo.

Il faut que j’y aille seul, te dis-je.


Entre DON FÉLIX.
don félix.

N’est-ce pas vous, Lisardo ?

lisardo.

Oui, c’est moi.

don félix.

Eh bien ! quoi de nouveau ?

lisardo.

Je ne puis vous taire plus long-temps tout ce qui m’arrive à Ocaña. Êtes-vous libre pour le moment ?

don félix.

Oui, et pour toute la nuit.

lisardo.

Il faut que je vous conte mon embarras. Si je ne l’ai pas fait jusqu’ici, c’est que certaines considérations m’ont imposé silence : mais, à présent, je sais que je puis vous confier sans crainte tout le secret de mon amour. Venez, partons. Pour ne pas perdre de temps, je vous conterai, tout en marchant, une étrange aventure.

don félix.

Partons. Je suis charmé d’avance… Il n’est rien de tel qu’une confidence amoureuse pour alléger une peine d’amour.

calabazas, à Lisardo.

Et moi, monseigneur ?

lisardo.

Attends ici notre retour.

Don Félix et Lisardo sortent.