Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome II.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
18
LE PIRE N’EST PAS TOUJOURS CERTAIN.

quitter Madrid. J’évite ainsi la vengeance qu’aurait voulu prendre la famille de Léonor.

ginès.

Vous avez fort bien fait, seigneur. — Il est déjà fort désagréable de mourir ; mais mourir deux fois c’eût été par trop ennuyeux.

don diègue.

N’est-ce pas don Juan qui sort de sa maison ?

ginès.

En effet, c’est lui.

don diègue.

Il me semble, Ginès, qu’aujourd’hui tout doit me réussir.

ginès.

Peste ! quel trésor avez-vous donc trouvé ?

don diègue.

N’est-ce pas un bonheur que don Juan sorte ainsi de sa maison pour que je puisse entretenir Béatrix ?

ginès.

Quoi ! vous vous souvenez d’elle ?

don diègue.

Je n’ai jamais oublié sa beauté.

ginès.

Il me semblait, cependant, que vous l’aviez un peu oubliée, ce jour où vous reçûtes sur la tête, — d’estoc ou de taille, je ne sais, — un tel coup d’épée, qu’avec le pareil vous ne seriez jamais revenu dans ces parages.

don diègue.

On peut, éloigné de sa belle, en courtiser une autre. Cela est permis à l’amant le plus fidèle.

ginès.

Ces dames, il est vrai, en font autant de leur côté.

don diègue.

Va donc. Tu demanderas Inès, et tu lui diras mon arrivée. Souviens-toi surtout…

ginès.

De quoi ?

don diègue.

De ne dire mon aventure à personne… surtout chez Béatrix.

ginès.

Qui ? moi, monseigneur ? je serais capable… Je vous jure bien qu’on n’en saura pas plus de moi aujourd’hui qu’on n’a pu en apprendre hier, lorsque nous n’étions pas encore à Valence.

don diègue.

Approche donc et frappe à sa porte.