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LE GEÔLIER DE SOI-MÊME.

nommée vantait en tout lieu le courage et le mérite. Un homme jaloux de lui l’a tué en trahison… Prononcer son nom, c’est faire son plus bel éloge : il s’appelait don Pèdre Sforze.

frédéric, à part.

Grand Dieu ! qu’entends-je ?

hélène.

On ignore et je voudrais savoir quel est le lâche qui l’a assassiné. Ce doit être sans doute quelque démon sorti des enfers, car il est impossible de découvrir comment il a pu s’échapper, en quel lieu il se cache.

frédéric, à part.

J’ai bien choisi mon asile !

hélène.

Le malheureux se sera sans doute réfugié dans les entrailles de la terre.

frédéric.

Madame, la même cause a produit chez nous deux effets bien différens : vous, la vue d’un malheureux vous a consolée ; à moi, la vue de votre malheur m’est une nouvelle affliction. Oui, vive Dieu ! je sens votre douleur aussi vivement que si elle se confondait avec la mienne… Quant à l’offre que vous me faites de me recevoir dans vos domaines, je l’accepte avec reconnaissance ; d’autant mieux qu’il n’est rien de plus pénible, quand on a été riche, que de rentrer pauvre dans son pays.

benito.

Ah çà, monsieur le déshabillé[1], jusques à quand votre grâce compte-t-elle parler ? Vous devriez vous rappeler que moi j’étais en train de parler lorsque vous êtes venu, et il n’est pas poli de m’avoir coupé le sifflet au milieu de ma harangue.

hélène, à part.

Comme cet homme paraît sensible ! combien il a montré de réserve et de mesure !… En vérité, son air, ses façons, m’ont gagné le cœur.

benito, à Hélène.

Dieu vous garde !

antona.

Benito, on ne te parle pas.

benito.

C’est pour une autre fois.

hélène, à Frédéric.

Comment vous nommez-vous ?

  1. Señor desnudo.

    Il parait que l’auteur qui jouait le rôle de Frédéric n’entrait sur la scène que très incomplètement vêtu.