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LE GEÔLIER DE SOI-MÊME.

vent, la nuit, lorsque je parcourais ces allées solitaires, ont entendu mes soupirs et mes plaintes, après avoir entendu les plaintes et les soupirs de Frédéric, qui venait, la nuit, me parler sous mon balcon. Tu sais, maintenant, quel était le chevalier mystérieux du tournoi, et quel sentiment inspira une semblable entreprise… Et désormais tout ce que je demande au ciel, c’est que les soldats de mon père ne puissent retrouver le prince Frédéric : nous sommes perdus l’un pour l’autre, l’expiation est assez grande. Mon père, si l’on le lui amène, vengera sur lui les guerres qu’il a eues avec le roi de Sicile ; et alors c’en est fait de moi, car mon existence est tout entière attachée à celle de ce prince ; je vis de la seule pensée qu’il est vivant, et je mourrais à la seule pensée de sa mort.

séraphine.

Je vous remercie, madame, de m’avoir confié vos sentimens. Mais il est merveilleux que vous ayez pu garder si long-temps un tel secret.

l’infante.

Oh ! nous autres femmes nous savons fort bien, quand nous voulons, garder un secret.

séraphine.

Voici venir le roi.

l’infante.

Je désire vivement trouver le moyen d’obtenir qu’il rende la liberté à Roberto.


Entrent LE ROI et UN VALET.
le roi.

Eh bien ! Marguerite, comment va votre mélancolie ?… N’aurez-vous donc jamais un moment de trêve, un moment de joie ?

l’infante.

Je disais tout-à-l’heure à Séraphine que ma douleur et mes ennuis ne me quitteraient jamais.

le roi.

Vous ne pouviez choisir une confidente plus sage et plus aimable.

l’infante.

Elle vous dira combien je suis triste.

séraphine.

On ne peut davantage.

le roi.

Vous a-t-elle fait part de la cause ?

séraphine.

Non, sire ; mais d’après ce que m’a conté la princesse, le remède serait facile.

le roi.

En vérité ?