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JOURNÉE II, SCÈNE II.

fille, et il est à présumer que s’étant trouvé guéri peu après sa disparition, il l’aura protégée dans sa fuite. Voilà pourquoi surtout je le poursuis avec plus d’acharnement et de fureur, soit afin de rétablir mon honneur perdu, soit afin d’anéantir les coupables, si je ne puis y réussir. Et puisque maintenant rien ne vous empêche de m’assister dans mes desseins, je reviendrai vous chercher. En ce moment je vous quitte pour faire une autre démarche dont je vous instruirai plus tard, je vous le dois comme à celui qui sera désormais mon recours, mon soutien, mon asile, non pas tant peut-être à cause de la recommandation que je vous ai apportée, que par l’obligation que vous avez contractée en voyant la douleur d’un gentilhomme et les pleurs d’un vieillard.

Il sort.


Entre DON CARLOS.
don carlos.

Fut-il jamais une situation plus cruelle ?

don juan.

Rappelons-nous, don Carlos, tout ce qui nous est armé.

don carlos.

Vous avez chez vous la dame d’un ami.

don juan.

Fille d’un homme qui est venu se réclamer de moi.

don carlos.

Cet ami est également caché chez vous.

don juan.

Pour m’aider à venger mes propres outrages,

don carlos.

L’ennemi que cherche don Pèdre est aussi le mien.

don juan.

Et moi, au milieu de tant d’engagemens de toute espèce, je ne sais que résoudre. Je me dois à Léonor parce qu’elle est femme ; à vous, parce que vous êtes mon parent ; à don Pèdre, à cause du marquis et enfin à mon honneur, à cause de moi-même. Que faire ?

don carlos.

Le temps nous l’apprendra. Agissons dans chaque circonstance suivant les événemens.

don juan.

C’est bien ; attendons, et nous verrons. Jusque là, demeurez caché dans ce cabinet, sentinelle de mon honneur, tandis que je vais sortir comme à l’ordinaire, afin qu’on ne soupçonne rien.

don carlos.

Adieu donc.

don juan.

Eh bien, adieu.