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JOURNÉE II, SCÈNE IV.

et plus triste encore lorsqu’on n’a pas la confiance. Béatrix et Inès se cachent constamment de moi ; l’une vient de sortir, l’autre l’attend sans doute. Laissons-les libres, et respectons ces petits mystères. Ne faisais-je pas de même chez moi ? n’avais je pas de même des femmes auxquelles j’accordais ma confiance ? et d’autres que j’avais soin de tenir à l’écart ? mes souvenirs ! cessez de me tourmenter ; et puisqu’à présent tu sers, infortunée Léonor, regarde, entends et tais-toi.

Elle sort.


Entre INÈS.
inès.

Vous ne direz pas que je me sois retardée.

béatrix.

Je t’attends dans ce salon pour savoir ce que t’a dit don Diègue. Eh bien ?

inès.

J’ai joué mon rôle on ne peut mieux ; il me suit sans se douter que c’est vous qui le faites venir. À vous, madame, maintenant ; il faut que vous feigniez d’être fort en colère, et surtout contre moi.

béatrix.

Inès, regarde qui entre dans la maison.

inès.

Ah ! mon Dieu ! c’est un homme !

béatrix.

Et qui peut oser ainsi ?…


Entre DON DIÈGUE.
don diègue.

Un infortuné, qui, prosterné à vos pieds, vous offre mille fois sa vie, adorable Béatrix.

béatrix.

D’où vient ceci, Inès ?

inès.

J’avais cependant, madame, fermé la porte avec le plus grand soin…

béatrix.

Vous mentez ; c’est une de vos perfidies ; vous ne resterez pas une heure de plus à mon service.

don diègue.

Ne grondez pas Inès, madame ; c’est moi seul qui suis coupable ; tournez contre moi toute votre colère, toute votre fureur ; je serai trop heureux si vous daignez vous venger.

béatrix.

Vous auriez pu, seigneur don Diègue, vous épargner cette dernière folie. Vous devez être convaincu que désormais tout retour de ma part est impossible.