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BONHEUR ET MALHEUR DU NOM.

aurelio.

Il n’est rien tel que l’œil du maître… et c’est pourquoi vous allez me donner le billet que vous venez de cacher.

doña violante.

Moi, seigneur… un billet !

nice, à part.

Cela va mal.

aurelio.

Oui, donnez-le-moi sur-le-champ. Si j’ai laissé sortir le valet, quoique je l’eusse vu vous le remettre, c’est que je n’ai point voulu faire tomber si bas ma vengeance, ni ébruiter au dehors les ennuis de mon intérieur. C’est pour cela que je n’ai rien dit. Mais à cette heure donnez-moi le billet.

doña violante.

Mais, seigneur, ne croyez pas…

aurelio.

Quel tourment ! (Il lui prend le billet des mains.) Entrez là à l’instant même, car la colère pourrait m’emporter, et je veux connaître au juste le mal avant d’appliquer le remède. Ôtez-vous de devant mes yeux.

doña violante.

Ô ciel ! protège-moi !

Elle sort.
aurelio.

Partez, vous aussi.

nice.

Comme vous voudrez.

aurelio.

Non pas par là, par ici… mais dites-moi auparavant, pour me fixer dans ma conduite, le valet étant de don Félix, et l’ordonnance de payement étant au nom de don César, de qui est le billet ?

nice, à part.

Si je dis qu’il est de don César, qui est déjà son ennemi, ce sera empirer les affaires.

aurelio.

Eh bien ! parlez donc. De qui est le billet ?

nice.

Je ne sais, mais il n’est pas de don César.

Elle sort.
aurelio.

Elle m’en a dit assez. (Il ouvre la lettre.) Hélas ! peut-on trembler ainsi en ouvrant un billet ! (Il lit.) « Mon cher bien, il n’y a point d’obstacle qui puisse m’empêcher d’aller vous voir. » (Il parle.) Hélas ! il n’est que trop vrai, le papier ne se fabrique qu’a-