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JOURNÉE II, SCÈNE II.

laura, à part.

Récapitulons tout ce qu’il a dit : « Je suis bien malheureux. Je ne puis vous parler aujourd’hui. Il m’est impossible de venir au jardin. »

la duchesse.

Allons, suivez-moi, Laura ; (à Frédéric.) et vous, ne tardez pas à venir.

frédéric, à part.

Est-il un amour plus malheureux !

la duchesse, à part.

Est-il un sentiment plus indigne !

laura, à part.

Est-il une jalousie plus visible !

La Duchesse et Laura sortent.
fabio, entrant.

Par où donc pourrai-je sortir sans risquer d’être rencontré par mon maître ? Mais j’ai beau dire et faire, le voici.

frédéric.

Fabio ?

fabio, s’éloignant.

Pardon, monseigneur.

frédéric.

Pourquoi donc me fuis-tu ? (À part.) Je suis forcé de dissimuler avec ce drôle.

fabio.

C’est que je crains que ce maudit démon qui vous parle à l’oreille ne vous ai dit encore quelque fausseté sur mon compte.

frédéric.

Je sais maintenant la vérité ; je sais que tu m’as été fidèle.

fabio.

Je crois bien !… Plût à Dieu que certaines gens l’eussent été autant que moi avec la ville de Madrid[1].

frédéric.

Je veux, pour te dédommager, te donner un habit.

fabio.

À moi ! un habit ?

frédéric.

Oui, à toi.

fabio.

En ce cas, puissiez-vous dans l’autre monde avoir l’âme habillée d’une robe de chambre cramoisie, de chausses de cristal, et d’un surtout d’ambre gris !

frédéric.

Mais il faut que tu me dises quelque chose.

  1. Il y a ici sans doute quelque allusion à des malversations dont s’étaient rendus coupables certains administrateurs de la ville.