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L’ESPRIT FOLLET.

cosme.

J’allais dans la rue chargé de ces coussins et de ces malles, lorsque je suis tombé dans un fossé qui est devant une fontaine. De sorte que me voilà bien équipé. Qui veut colloquer cela dans la maison ?

don manuel.

Tu es ivre sans doute ; va-t’en.

cosme.

Si j’étais ivre, je ne serais pas en colère contre l’eau ; et si quelque chose devait me mettre en colère, ce serait de voir qu’ici l’eau se convertit en vin. Mais comme je l’ai lu dans un certain livre…

don manuel.

Une fois qu’il a commencé, il en a pour vingt-quatre heures.

don juan.

Il me paraît assez original.

don louis.

Tu sais donc lire, mon ami ? Pourquoi donc es-tu venu me prier tantôt de te lire cette lettre ?… Ne t’éloigne pas.

cosme.

C’est que, voyez-vous, seigneur, je ne sais lire que dans les livres imprimés… mais pas l’écriture.

don louis.

Bien répondu.

don manuel.

Je vous en prie, ne faites pas attention à lui. Vous ne tarderez pas à le connaître, et vous connaîtrez alors un méchant bouffon.

cosme.

Je vous régalerai quelque jour d’une plaisanterie de ma façon.

don manuel.

Comme il n’est pas tard encore, je vais faire une visite assez importante pour moi.

don juan.

Nous vous attendrons pour souper.

don manuel.

Toi, Cosme, tu ouvriras ces valises et tu en sortiras mes effets.

don juan.

Si vous voulez fermer, voici la clef de l’appartement. J’ai, moi, un passe-partout pour les jours où je rentre tard. Vous n’avez ici qu’une seule porte. (À part.) Il est essentiel de détourner toute idée de son esprit.

Ils sortent, à l’exception de Cosme.
cosme.

D’abord toi, ma petite valise, approche un peu. Je veux commencer par toi, et cela pour savoir au juste si en chemin j’ai bien ferré la mule ; car en voyage, les maîtres n’examinent pas un compte par le menu, comme ils feraient chez eux, et il y a plus de profit pour