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L’ESPRIT FOLLET.

angela.

Oublier ; car aimer sans être payé de retour, ce n’est pas vivre, c’est mourir.

Elle sort avec Isabelle.
don louis.

Oublier, cela n’est pas facile, alors que j’ai à me plaindre. J’oublierais peut-être si j’étais heureux ; car la faveur n’agite point l’âme aussi vivement que le fait l’outrage.


Entre RODRIGUE.
rodrigue.

D’où venez-vous, seigneur ?

don louis.

Je ne sais.

rodrigue.

Vous paraissez triste. Puis-je en savoir le motif ?

don louis.

J’ai parlé à Béatrix.

rodrigue.

Il suffit ; je devine à votre air ce qu’elle vous a répondu. Mais où est-elle ? je ne la vois point.

don louis.

L’ingrate a pour quelques jours demandé l’hospitalité à doña Angela. Mon frère et ma saur semblent à l’envi avoir conjuré contre moi. Tandis que l’un amène ici don Manuel, l’autre y accueille doña Béatrix, pour que la jalousie ne me laisse pas un instant de repos.

rodrigue.

Prenez garde que don Manuel ne vous entende ; le voici.


Entre DON MANUEL.
don manuel.

Il n’y a que moi au monde à qui il soit arrivé une aventure de ce genre. Que faire, ô ciel ? comment mettre un terme à mes doutes ? comment m’assurer si cette femme est ou non la dame de don Louis ? comment savoir qui peut l’aider ici à se jouer de moi ?

don louis.

Seigneur don Manuel ?

don manuel.

Seigneur don Louis ?

don louis.

D’où venez-vous ainsi ?

don manuel.

Du palais.

don louis.

Je n’aurais point dû vous le demander. Un homme qui sollicite doit avoir nécessairement chaque jour une raison qui l’appelle au palais, comme au centre de sa sphère.