Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome III.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
171
JOURNÉE II, SCÈNE II.

don manuel.

Je ne sais que répondre. Il s’est enfui en me laissant cela entre les mains.

cosme.

Eh bien ! qu’en dites-vous ?… Vous-même, tout à l’heure, vous vous flattiez de le tenir, et il s’est envolé comme le vent.

don manuel.

Je dis que cette personne qui entre ici et en sort d’une façon si ingénieuse était ce soir renfermée dans cette pièce ; qu’afin de pouvoir sortir elle a éteint ta lumière, et qu’à moi, pour le même motif, elle m’a laissé cette corbeille en s’échappant.

cosme.

En s’échappant ? Et par où ?

don manuel.

Par cette porte.

cosme.

Vous me feriez perdre le sens. — Vive Dieu ! vous dis-je, je l’ai vu… Je l’ai vu aux dernières lueurs qu’à jetées ce flambeau en s’éteignant.

don manuel.

Et quel forme avait-il ?

cosme.

C’était un moine grandelet… avec un énormissime capuchon. — Cela me donne à penser que c’est un revenant capucin.

don manuel.

Que de choses fait la peur ! — Éclaire par ici, et voyons ce qu’a apporté ce petit moine. Tiens cette corbeille, toi.

cosme.

Moi, une corbeille venue de l’enfer ?

don manuel.

Tiens donc, te dis-je.

cosme.

C’est que, mon seigneur, le suif m’a un peu sali les mains, et je risquerais de tacher le taffetas qui recouvre la corbeille. — Il vaut mieux que nous la mettions par terre.

don manuel.

Du linge blanc et une lettre. — Voyons si le moine a de l’esprit. (Lisant.) « Depuis le peu de temps que vous êtes dans cette maison, l’on n’a pas pu faire plus de travail. À mesure que l’on avancera, on vous portera ce qui sera fait. Quant à l’idée où vous êtes que je serais la dame de don Louis, il me suffit de vous dire que non-seulement je ne la suis pas, mais que je ne puis pas l’être. Vous vous en convaincrez par vos yeux, et j’espère que ce sera bientôt. Dieu vous garde ! » (Parlant.) Il paraît que l’esprit follet a été baptisé, puisqu’il se souvient de Dieu.

cosme.

Vous le voyez, il y a des esprits follets religieux.