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JOURNÉE III, SCÈNE IV.

cosme.

Par où elle voudra.

don manuel.

Tais-toi, imbécile.

cosme, apercevant Angela.

Jésus ! Jésus !

don manuel.

Qu’est-ce donc ?

cosme.

Il suffit d’en parler… la voilà !

don manuel.

Femme, qui viens ici pour achever ma perte… fantôme, ombre, illusion ! comment as-tu pénétré jusqu’ici ?

angela.

Don Manuel.

don manuel.

Parle ! parle !

angela.

Écoutez-moi. — Don Louis a appelé avec impatience, est entré avec colère, et puis j’ai entendu le cliquetis de vos épées. Connaissant bien qu’il me serait impossible d’empêcher deux cavaliers de se battre, je me suis enfuie. J’étais arrivée à la porte d’une maison qui devait être mon refuge, lorsque, pour mon malheur, j’ai rencontré là don Juan… don Juan, mon frère… Je ne pouvais plus garder ce secret ; il m’est échappé. — Don Juan m’a aperçue, et croyant que c’était sa dame, il s’est avancé vers moi. À la clarté de la lune, il m’a reconnue. Il a d’abord voulu me parler ; mais en vain. À la fin, puisant des forces dans la colère qui l’animait, il m’a demandé pourquoi je me trouvais là à pareille heure !… J’ai voulu répondre, mais dans mon effroi je n’ai pu trouver aucune explication… Alors lui : « Viens sœur indigne, par qui a été souillé notre antique honneur ! viens… Je veux t’enfermer en un lieu où tu resteras jusqu’à ce que je connaisse au juste ta conduite. » Il m’a menée ici, où le ciel, sans doute, a eu pitié de moi, puisque je vous y rencontre. — Vous l’avouerai-je, don Manuel ? c’est parce que je vous aimais que j’ai joué ce rôle d’un esprit errant dans cette maison ; c’est parce que je vous aimais que je vous ai écrit et que j’ai cherché à vous voir, à vous parler ; c’est parce que je vous aimais que j’ai redouté de vous perdre, et que, par crainte de vous perdre, je me suis compromise. Et maintenant si ces aveux, si mes larmes vous touchent, j’implore une seconde fois le secours de votre bras ; je vous conjure une seconde fois de me protéger et de me défendre.

don manuel, à part.

En vérité, mes malheurs sont comme l’hydre qui sans cesse renaissait d’elle-même. Je croyais qu’elle était la dame de don Louis, et, mieux encore, elle est sa sœur. Il pouvait souffrir de ce que je l’avais blessé dans sa passion ; que sera-ce dans son honneur ? Et si