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JOURNÉE I, SCÈNE I.

doña violante.

Ah ! malheureuse !

don mendo.

Qu’attendez-vous donc ?


Entre DON LOPE, vêtu comme les autres brigands, mais d’une manière plus riche.
don lope.

Que se passe-t-il ?

vicente.

Dans les étroits sentiers de la montagne, et sous les ombrages qu’a développés le printemps, nous avons trouvé cette dame qui, pour s’abriter contre la chaleur, était descendue de sa litière, et marchait accompagnée de quelques domestiques. Dès que ses gens nous ont aperçus, ils ont pris la fuite ; et voila que ce vieillard prétend seul la délivrer et la défendre contre nous.

don lope.

Eh quoi ! ne voyez-vous pas, dites, que seul contre tant d’hommes, vous allez vainement dépenser votre courage ?

don mendo.

Seigneur, si j’avais la prétention de vivre, ce serait une folie, la chose est certaine ; mais puisque je ne prétends qu’à mourir, ce n’est pas une si folle audace. Et puisque votre venue ici m’apporte ma dernière sentence, j’en appelle de leur cruauté à la vôtre. (Il met un genou à terre.) Je n’implore pas votre pitié…

don lope.

Levez-vous. Vous êtes le premier homme qui ait changé ma colère en compassion. — Cette dame qui vous accompagne est-elle votre épouse ?

don mendo.

Non, seigneur, elle est ma fille.

doña violante.

Oui, en effet, et je me sens si bien la fille de son courage, de son sang, de son honneur, que si tu penses par sa mort devenir maître de ma vie, tu ne réussiras pas dans ce dessein ; car avant que tu en viennes là, à défaut d’une arme tranchante, tu me verras m’étrangler de mes propres mains, ou, dans mon désespoir, me précipiter du haut de ce mont et tomber en lambeaux à tes pieds.

don lope.

Beauté céleste, calmez-vous, de grâce. Bien que la colère avec laquelle vous me parlez eût pu être ma justification, c’est elle cependant qui retient mon bras. Pour la première fois de ma vie, je surprends en moi je ne sais quel sentiment de compassion et de respect. (À don Mendo.) De quel côté allez-vous ?