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JOURNÉE II, SCÈNE I.

don lope, bas, à Vicente.

Tais-toi, et patience ! — Ne sais-tu donc pas que nous sommes venus ici pour entendre radoter ?

urrèa.

Lope, tu vois l’état où nous sommes réduits. Notre bien, — ce que je considère le moins, — est tout engagé ou vendu. Doña Estephania, celle qui a causé tous nos chagrins, ayant consenti à entrer dans un couvent, je lui ai constitué la dot et la rente ; et Dieu sait que pour faire cela je me suis réduit presque à la mendicité. Enfin, mon fils, te voilà gracié, de quoi je bénis le noble et généreux don Mendo, et dès ce moment j’oublie tous mes chagrins. Ce que je voulais te demander, les larmes aux yeux, avec de tendres prières, et même agenouillé devant toi, si mes cheveux blancs me permettaient de m’abaisser jusque-là, c’est qu’à compter d’aujourd’hui, Lope, tu changes de coutumes et de vie. Travaillons à reconquérir l’estime publique ; que l’on voie que les dures leçons de l’expérience ne sont pas perdues pour un homme intelligent. Mon fils soyons amis ; bannissons d’entre nous tout fâcheux souvenir, tout mauvais sentiment ; vivons en paix, faisant l’un pour l’autre ce que nous pourrons. Amour, dévouement, tendresse, voilà ce que tu trouveras toujours en moi ; à toi, Lope, je ne te demande que de l’obéissance. C’est ton père qui te parle ainsi, Lope. Et enfin, songe bien, je te prie, que nous n’aurons pas toujours un protecteur puissant, comme don Mendo ; et que même il pourrait venir un temps où l’on vît son amour et sa bonté, si tu n’en tiens nul compte, se changer en esprit de vengeance et se tourner contre toi.

vicente, à part.

Pour que le sermon fût complet, il ne manquerait ici que ces mots : grâce et gloire[1].

don lope.

Seigneur, je vous donne ma parole qu’à compter d’aujourd’hui vous verrez en moi une complète réforme, et vous rendrez grâce à des malheurs dont j’aurai si bien profité.


Entrent DON MENDO et BÉATRIX.
don mendo.

Je m’offre pour caution de l’engagement que vous prenez.

urrèa.

Seigneur…

don mendo.

Ayant appris que vous vouliez passer chez moi, je me suis hâté de vous prévenir.

urrèa.

Vous ne vous contentez pas de rendre un service ; vous vous y

  1. Allusion à certaines formules de l’Église.