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LES TROIS CHÂTIMENTS EN UN SEUL.

quoi, je suis sûr, il se repent maintenant… Le bon Lope est fort âgé, et je pense, moi, que sa conduite tient à la faiblesse d’entendement qu’apporte le grand âge. De plus, vous remarquerez, sire, qu’il y a eu dans l’antiquité une loi qui me semble bien conforme à la nature, et qui défend d’entendre dans les causes criminelles, soit le père se plaignant de son fils, soit le fils portant plainte contre son père. Ainsi je serais d’avis de laisser tomber cette affaire.

le roi.

Cela vous semble juste ?

don mendo.

Oui, sire.

le roi.

Eh bien, moi, don Mendo, je ne vois pas la chose comme vous. Il y a dans cet acte je ne sais quoi qui me passe ; mais je ne puis admettre qu’une plainte aussi grave ait été portée légèrement, ni qu’un crime de ce genre ait été commis par hasard ; et il faut que je voie s’il est possible qu’il y ait eu, en effet, soit un fils si hardi, soit un père si imprudent. Et ainsi, puisque nous en sommes sur ce point, faites arrêter le père ; il importe qu’il ne passe point cette nuit dans sa maison.

Il sort.
don mendo.

Le ciel me protège ! je ne sais quel trouble s’élève dans mon âme, comme à la veille d’un grand malheur.

Il sort.

Scène III.

Une chambre dans la maison de don Mendo.
Entrent DOÑA VIOLANTE et ELVIRE.
elvire.

D’où vient, madame, votre douleur ?

doña violante.

D’une crainte.

elvire.

Et cette crainte, d’où vient-elle ?

doña violante.

D’un ennui.

elvire.

Et cet ennui, d’où vient-il ?

doña violante.

D’un soupçon ; car le ciel a décidé aujourd’hui que j’aurais une grande peine, et que cette crainte, cet ennui et ce soupçon pourraient m’ôter la vie.

elvire.

Qui s’oppose à votre bonheur ?

doña violante.

Ma disgrâce.