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LES TROIS CHÂTIMENTS EN UN SEUL.

elvire.

Il est dans l’appartement de mon maître ; on l’a fait entrer par la porte opposée.

doña violante.

Oh ! que je voudrais, Elvire, lui donner quelque haute marque d’amour !

elvire.

N’est-ce pas assez pour lui que vous sentiez ainsi son malheur.

doña violante.

Non, ce n’est pas assez. Dans la situation où il est, il faut que je périsse ou que je lui rende la vie. Voilà ce que me commande mon amour. — N’as-tu pas la clef de l’appartement de mon père ?

elvire.

C’est monseigneur qui a le passe-partout. Voici l’autre clef.

doña violante.

Je veux le voir pour lui donner un avis ; car désormais je n’ai plus de crainte pour moi-même, je n’en ai que pour lui… Toi, Elvire, tiens-toi de l’autre côté ; afin que tu puisses m’avertir s’il entre quelqu’un.

Elles sortent.

Scène IV.

Une autre chambre.
Entre DON LOPE.
don lope.

Infortuné que je suis ! quelle est donc cette prison où l’on m’a renfermé ?… Ah ! Violante, combien me coûte votre beauté ; et pourtant, dans cet affreux moment, c’est encore à vous que je pense. Je ne m’afflige point de perdre la vie, je ne m’afflige que de vous perdre.


DOÑA VIOLANTE ouvre une porte et entre.
doña violante, à part.

Son visage est couvert de sang. Il paraît blessé. (Haut.) Ah ! don Lope !

    gnole et consistent dans l’arrangement ingénieux des mots. Voici la première, que nous donnons au lecteur comme échantillon :

    — De que nace tu dolor ?
    — De un temor.
    — Y el temor, señora, injusto ?
    — De un disgusto.
    — Que es, enfin, tu desconsuelo ?
    — Un rezelo ;
    Porque oy ha dispuesto et cielo,
    Que à una tristeza rendida,
    Puedan quitarme la vida,
    Temor, disgusto, y rezelo.

    On trouve de ces strophes en écho dans les plus anciens poëtes espagnols. Il y en a également plusieurs exemples dans les poésies de Lope. Cervantes en a placé également dans Don Quichotte (ch. xxvii), et dans une de ses plus jolies nouvelles, intitulée l’Illustre Écureuse (la Illustre Fregona).