Qui donc a prononcé mon nom ? qui daigne témoigner quelque pitié à un homme si malheureux ?
Une personne qui compatit à votre sort et partage votre douleur.
Vivante image de ma mort, ombre morte de ma vie, corps de ma pensée, âme de mon imagination, portrait que mon amour a tracé dans les airs, voix formée de mes accents, veuillez ne pas me tourmenter et ne pas disparaître, vous qui êtes mon corps, mon âme et ma voix.
Si je n’étais qu’une illusion, Lope, je n’aurais pas un corps, une âme et une voix.
Il est vrai ; mais comme je dormais tout à l’heure et que je suis incertain si je dors ou si je veille, je doute encore de mes yeux.
Touchée de vos malheurs, sensible à votre amour, et de moitié dans votre crime, je viens, sans qu’aucune considération m’ait arrêtée, je viens vous dire que, cette nuit même, cette porte vous sera ouverte, et que par cette issue vous pourrez recouvrer la liberté et sauver votre vie.
J’ai ouï dire qu’il existe une plante d’une vertu si rare et si singulière, que là où il y a une plaie elle l’enlève, et là où il n’y en a pas elle en fait une : ainsi, vous, doña Violante, lorsque je vivais, vous m’avez donné la mort, et maintenant que je suis condamné à mourir, vous me donnez la vie.
J’ai ouï parler également de deux plantes merveilleuses qui, séparées, sont des poisons, et qui, réunies, sont un breuvage salutaire. En nous se voit leur étrange effet : séparé de moi, vous mourez ; séparée de vous, je meurs. L’amour veuille nous réunir afin que nous vivions ! Pour moi, ayant appris combien le roi était irrité contre vous, j’ai résolu aussitôt… Mais quel est ce bruit ?
Voilà votre père qui arrive.
Adieu, Lope.
Reviendrez-vous ?