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JOURNÉE III, SCÈNE IV.

don lope.

Qui donc a prononcé mon nom ? qui daigne témoigner quelque pitié à un homme si malheureux ?

doña violante.

Une personne qui compatit à votre sort et partage votre douleur.

don lope.

Vivante image de ma mort, ombre morte de ma vie, corps de ma pensée, âme de mon imagination, portrait que mon amour a tracé dans les airs, voix formée de mes accents, veuillez ne pas me tourmenter et ne pas disparaître, vous qui êtes mon corps, mon âme et ma voix.

doña violante.

Si je n’étais qu’une illusion, Lope, je n’aurais pas un corps, une âme et une voix.

don lope.

Il est vrai ; mais comme je dormais tout à l’heure et que je suis incertain si je dors ou si je veille, je doute encore de mes yeux.

doña violante.

Touchée de vos malheurs, sensible à votre amour, et de moitié dans votre crime, je viens, sans qu’aucune considération m’ait arrêtée, je viens vous dire que, cette nuit même, cette porte vous sera ouverte, et que par cette issue vous pourrez recouvrer la liberté et sauver votre vie.

don lope.

J’ai ouï dire qu’il existe une plante d’une vertu si rare et si singulière, que là où il y a une plaie elle l’enlève, et là où il n’y en a pas elle en fait une : ainsi, vous, doña Violante, lorsque je vivais, vous m’avez donné la mort, et maintenant que je suis condamné à mourir, vous me donnez la vie.

doña violante.

J’ai ouï parler également de deux plantes merveilleuses qui, séparées, sont des poisons, et qui, réunies, sont un breuvage salutaire. En nous se voit leur étrange effet : séparé de moi, vous mourez ; séparée de vous, je meurs. L’amour veuille nous réunir afin que nous vivions ! Pour moi, ayant appris combien le roi était irrité contre vous, j’ai résolu aussitôt… Mais quel est ce bruit ?


Entre ELVIRE.
elvire.

Voilà votre père qui arrive.

doña violante.

Adieu, Lope.

don lope.

Reviendrez-vous ?