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LE PRINCE CONSTANT.


Entre LE ROI.
le roi.

Je viens sur le penchant de cette montagne chercher votre altesse. Avant que le soleil disparaisse derrière un voile de pourpre ou de perles, venez, vous verrez la lutte d’un tigre déjà enveloppé par mes chasseurs.

don fernand.

Seigneur, vous inventez sans cesse pour moi de nouveaux divertissements. Si c’est ainsi que vous savez faire fête à vos captifs, ils ne regretteront pas leur pays.

le roi.

Des captifs tels que vous, qui honorent leur maître, ne peuvent être servis avec trop de soin.


Entre DON JUAN.
don juan, au Roi.

Approchez, seigneur, du rivage de la mer, et vous verrez le plus beau spectacle, un prodige de la nature et de l’art. Une galère chrétienne arrive dans le port. Elle est si belle, quoique couverte d’insignes de deuil, qu’on se demande comment elle peut ainsi réunir la joie et la tristesse… Elle porte le pavillon portugais… Sans doute, comme l’infant est captif, elle a pris ces signes de tristesse pour montrer la douleur de son peuple ; et, en venant lui rendre la liberté, elle témoigne son affliction.

don fernand.

Non, cher don Juan, ce n’est point là le motif du deuil qu’elle a revêtu. Si cette galère venait me rendre la liberté, elle ne laisserait voir que des insignes de joie.


Entre L’INFANT DON HENRI, vêtu de deuil.
don henri, au Roi.

Permettez-moi, seigneur, de vous embrasser.

le roi.

Que votre altesse soit la bienvenue.

don fernand.

Ah ! don Juan, mon malheur est certain !

le roi.

Ah ! Muley, j’ai enfin ce que je désirais !

don henri.

Maintenant que je me suis acquitté de mes devoirs envers vous, permettez, seigneur, que j’embrasse mon frère. Ah ! mon cher Fernand !

don fernand.

Cher Henri ! que signifient ces vêtements funèbres ? Mais non, ne me dis rien, tes yeux ont parlé assez clairement. Mais ne pleure pas si tu viens m’annoncer une captivité éternelle : elle est l’objet de mes désirs ; tu devrais plutôt m’en féliciter, et porteur d’une si heu-