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JOURNÉE II, SCÈNE II.

don fernand.

Je la lui porterai. Je veux donner l’exemple de l’obéissance.

troisième captif.

Allons les cueillir.

don fernand.

Ne faites plus de cérémonies avec moi. Nos peines sont égales. Et puisque, — soit aujourd’hui, soit demain, — la mort doit nous égaler tout à fait, la sagesse veut qu’on ne laisse aujourd’hui rien à faire pour demain.

Il sort avec tous les Captifs.


Entrent FÉNIX et ROSA.
fénix.

Tu as dit qu’on me portât des fleurs ?

zara.

Vos ordres sont exécutés.

fénix.

J’ai désiré voir des fleurs pour me distraire.

rosa.

Quoi ! madame, vous demeurez sans cesse dans la même mélancolie ?

zara.

D’où viennent vos ennuis ?

fénix.

Ce que j’ai vu n’était point un songe, c’était la réalisation de mon malheur. — Lorsqu’un infortuné rêve qu’il possède un trésor, je le sais bien, Zira, son bonheur, son bien n’est qu’un songe ; mais s’il rêve une aggravation à sa disgrâce, il trouve à son réveil que c’était bien la vérité. — De même, mon malheur à moi n’est que trop certain.

zara.

Et que restera-t-il pour le mort, si vous vous affligez ainsi ?

fénix.

Hélas ! oui, — quelle destinée est la mienne !… Quel plaisir pourrait goûter une malheureuse femme qui doit être le prix d’un mort !… Et ce mort qui sera-ce ?


Entre DON FERNAND, portant des fleurs.
don fernand.

C’est moi.

fénix.

Ô ciel ! que vois-je ?

don fernand.

D’où vient votre étonnement ?

fénix.

C’est votre vue… C’est votre voix