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LE PRINCE CONSTANT.

je me rendais à Fez sous ce déguisement. Avant d’arriver à votre capitale j’ai appris que vous vous trouviez dans cette maison de plaisance ; et j’y suis venu afin de savoir plus tôt quel fruit je puis espérer de mon voyage. Maintenant pour repartir je n’attends plus que votre réponse.

le roi.

Ma réponse, roi Alphonse, la voici toute en peu de mots : Vous n’emmènerez l’infant qu’en me rendant Ceuta.

alphonse.

Puisque j’étais venu le chercher et que je dois l’emmener, préparez-vous à la guerre que je vous déclare. (À Tarudant.) Et vous, ambassadeur, ou qui que vous soyez, vous me verrez en campagne. Que l’Afrique entière tremble !

Il sort.
tarudant, à Fénix.

Si je n’ai pu jusqu’ici me mettre à vos pieds comme un humble esclave, maintenant, belle Fénix, daignez accorder votre main à celui qui vous offre toute son âme…

fénix.

Que votre altesse, seigneur, ne comble pas de nouvelles faveurs une princesse qui l’estime. Qu’elle se rappelle, d’ailleurs, ce qu’elle se doit à elle-même.

muley, à part.

Comment ai-je pu être témoin de ces malheurs, et puis-je vivre encore ?

le roi.

Votre altesse s’est présentée sans être attendue. Elle me pardonnera si je ne la reçois pas aussi bien qu’elle le mérite.

tarudant.

Il faut que je retourne sans délai dans mes États ; et puisque je venais comme ambassadeur, avec des pouvoirs pour emmener mon épouse, je pense que mon bonheur n’en sera pas retardé.

le roi.

Je ne saurais lutter de courtoisie avec vous. Cependant, — pour m’acquitter autant qu’il est en mon pouvoir, — comme on m’annonce la guerre, je veux d’abord sceller notre union par l’hymen que vous désirez ; car il est bon que vous retourniez dans vos États avant que ces armées portugaises dont on nous menace ne vous aient coupé le passage.

tarudant.

Peu importe, seigneur ! Je suis venu avec des troupes nombreuses, dont les camps peuplant ce désert lui donnent l’apparence d’une vaste cité ; et je reviendrai bientôt avec elles pour être un soldat de votre armée.

le roi.

Tout va s’apprêter pour le départ de votre épouse. Mais aupara-