Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome III.djvu/319

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
309
JOURNÉE III, SCÈNE II.

d’orgueil au milieu de tes peines ? et comment me reproches-tu d’y être insensible, moi à qui elles sont étrangères ? Puisque toi-même as voulu la mort, puisque tu en es la cause, et que j’en suis innocent, n’espère point de grâce de moi. Aie pitié de toi, Fernand et alors moi-même je sentirai pour toi de la pitié.

Il sort.
don fernand, à Tarudant.

Seigneur, que votre majesté me protège.

tarudant.

Quelle infortune !

don fernand, à Fénix.

Et vous, princesse, si la beauté céleste de votre personne annonce la beauté de votre âme, daignez me protéger auprès du roi.

fénix.

Quelle douleur !

don fernand.

Quoi ! vous ne daignez pas même abaisser sur moi vos regards ?

fénix.

Je suis saisie d’horreur.

don fernand.

Il est vrai, vos yeux ne sont pas faits pour voir une telle misère.

fénix.

J’éprouve tout à la fois de la pitié et de la terreur.

don fernand.

Vous ne voulez pas me voir, vous vous éloignez sans me répondre… Il faut pourtant que vous le sachiez, madame : malgré votre beauté, malgré votre sort brillant, vous ne valez pas plus que moi, et peut-être même je vaux plus que vous.

fénix.

Ta voix m’inspire de l’horreur, et je sens autour de toi une atmosphère empoisonnée. Laisse-moi, homme, que me veux-tu ? Je ne puis m’arrêter ici plus longtemps.

Elle sort.


Entre DON JUAN avec un pain.
don juan.

Comme je vous apportais ce pain, les Mores m’ont poursuivi. Ils m’ont frappé et blessé.

don fernand.

Tel est l’héritage des enfants d’Adam !

don juan.

Prenez-le, seigneur.

don fernand.

Ami fidèle, il est trop tard. Je sens que je vais mourir.

don juan.

Le ciel seul peut me donner des consolations dans ce malheur.

don fernand.

Mais quelle est la maladie qui n’est pas mortelle, puisque