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JOURNÉE III, SCÈNE III.

aurions trouvé l’armée du roi réunie à celle que nous allons combattre, et en les attaquant séparément, il nous sera plus aisé de les vaincre. Pour qu’ils n’aient pas le temps de se reconnaître, faites sonner la charge.

don henri.

Songez-y, seigneur, cette attaque est intempestive.

alphonse.

Le sentiment qui m’anime ne peut rien entendre ; je ne veux pas retarder d’un moment notre vengeance. Mon bras sera pour l’Afrique le fléau de la mort.

don henri.

Faites-y attention : déjà la nuit, couverte de voiles, a caché sous ses ténèbres les derniers rayons du soleil.

alphonse.

Eh bien, nous combattrons dans l’obscurité. Animé par la foi qui remplit mon cœur, ni la circonstance, ni les forces de l’ennemi ne peuvent ébranler mon courage. Ô Fernand ! si tu offres au Dieu pour qui tu souffres les douleurs de ton martyre, la victoire est assurée, nous aurons en partage l’honneur et la gloire.

don henri.

Seigneur, votre confiance vous égare.

l’ombre de fernand, derrière le théâtre.

Attaque, grand Alphonse… Guerre ! guerre !

On entend des trompettes.
alphonse.

Entendez-vous ces voix confuses qui remplissent les airs ?

don henri.

Oui, et en même temps, des trompettes ont donné le signal de l’attaque.

alphonse.

Eh bien ! Henri, attaquons. N’en doutez pas, le ciel aujourd’hui nous favorise.


Entre L’OMBRE DE FERNAND ; il est revêtu d’un manteau capitulaire, et il porte une torche à la main.
l’ombre.

Oui, le ciel te favorise ; car il a vu ta foi, ton zèle, ta piété, et il défend aujourd’hui ta cause. Délivre-moi de l’esclavage. Pour récompense de l’exemple que j’ai donné aux chrétiens, et pour prix des temples que j’ai élevés à sa gloire, il daigne m’en accorder un à moi-même… Avec ce brillant flambeau allumé aux feux de l’Orient, je marcherai toujours devant ta brave armée, et je te conduirai jusqu’à Fez, non pas pour t’y donner une couronne, mais afin que mon couchant soit délivré par ton aurore.

don henri.

Je doute, Alphonse, de ce que je vois.