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JOURNÉE I, SCÈNE II.

cher, à force de souplesse et d’intrigues, vous protége à mes yeux. Sans cela.. Mais au moins sachez, puisque vous être un autre Aman, que les ordres d’Assuérus ne s’étendent pas jusqu’à Esther.

Elle sort.
wolsey, à l’Infante.

Madame…

l’infante.

Assez, Wolsey.

wolsey.

Votre altesse me voit à ses pieds…

l’infante.

C’est bien.

wolsey.

Avec le désir de la servir.

l’infante.

Je vous crois ; levez-vous.

L’Infante sort avec toutes ses Dames.
pasquin.

Et lorsque je voudrai parler au roi, que personne ne se mette sur mon chemin ; car si vous êtes un autre Aman, les ordres de don Suérus ne s’étendent pas jusqu’à Estelle[1].

Il sort.
wolsey.

Qu’ai-je vu ? qu’ai-je entendu ? la reine Catherine, si indulgente pour tout le monde, n’a de colère que contre moi ! Son cœur, habituellement si doux et si facile, se montre avec moi seul intraitable !… Le gouverneur qui m’a élevé[2] me prédit, entre autres choses, qu’une femme serait la cause de ma perte ; et puisqu’il a deviné juste en tout le reste, je dois le croire aussi sur ce point… Mais si ce n’est vous, ô reine ! qui donc, quelle femme pourrait-ce être ?… Oui, sûrement, c’est la reine qui me menace, et qui doit amener ma perte. — Eh bien ! alors prévenons-la, et quand même de ce conflit devrait sortir la guerre civile, que le fils d’un boucher soit l’étonnement de l’Angleterre !

Il sort.

Scène II.

Une autre salle du palais.
Entrent THOMAS BOLEYN et ANNE.
boleyn.

Vous voilà désormais, ma fille, établie dans ce palais. À vous désormais de fixer l’inconstance de la fortune. Le roi m’honore de

  1. Pasquin parodie les derniers mots prononcés par la reine.
  2. El ayo que me crio.

    Le mot ayo veut dire tout à la fois nourricier et gouverneur ; et le verbe criar signifie en même temps nourrir et élever. Wolsey étant né, comme il l’a dit, de parents pauvres il n’y a pas de raison pour qu’il ait eu plutôt un gouverneur qu’une nourrice étrangère ; mais on doit supposer, ce nous semble, que la prédiction a dû être faite par un homme instruit et savant plutôt que par un paysan grossier.