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LOUIS PEREZ DE GALICE.

choses… Ô ciel ! c’est par des calomnies que Jean-Baptiste se venge ! il se venge d’une injure dont lui-même est coupable, en recourant aux autres ! N’est-il pas étrange et bien triste de voir l’offenseur triomphant s’acharner ainsi sur l’offensé qui est forcé de s’enfuir ?

casilda.

J’ai appris bien autre chose.

isabelle.

Et quoi donc ?

casilda.

Jean-Baptiste a porté plainte contre cet ami de notre maître qui a tué ici un de ses valets, et il a voulu que le juge en connût.

isabelle.

Ainsi le lâche se joue de ma réputation, et pour inculper don Manuel, il me déshonore !


Entre PEDRO.
pedro.

Que la route m’a paru longue !… et cela n’est pas étonnant… quand on fuit, il semble que la peur vous attache un poids de cent livres à chaque pied. — A-t-on jamais vu un coupable prendre pour asile la maison même où il a commis le délit ? Mais voila ma maitresse. (À Isabelle.) Puisque j’ai été assez heureux pour arriver jusqu’à vous, permettez-moi, madame, de baiser le pied nain par excellence, ou, pour mieux dire, le moule fortuné qui renferme ce nain charmant, et veuillez me dire, par ma vie, si mon maître est de retour dans ces parages.

isabelle.

Sois le bienvenu, Pedro. Tu n’as rien à craindre de lui à présent ; car des événements survenus depuis ton départ l’ont obligé à s’absenter.

pedro.

Je sais tout cela, mais je ne m’y fie guère. S’il n’est pas encore ici, je garantis qu’il ne tardera pas à paraître.

isabelle.

Comment cela ?

pedro.

Puisque je suis ici, il ne peut pas manquer de m’y suivre ; car il semble vraiment s’être donné pour charge de me suivre partout, d’être pour moi une espèce de fantôme, une vision de cape et d’épée, enfin un épouvantail que j’ai sans cesse sur mon dos.


Entre JEAN-BAPTISTE.
jean-baptiste, à part.

Si on le condamne à mort, comme il l’a mérité, je suis bien sûr alors qu’il ne reviendra pas à Salvatierra… et mon témoignage est parfaitement combiné pour le faire déclarer coupable. Mais j’aper-