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JOURNÉE II, SCÈNE II.

çois Isabelle. (Haut.) Heureux celui qui obtient le bonheur d’approcher cette sphère brillante qu’illumine de ses clartés ce soleil de la terre dont le soleil du ciel est jaloux !

isabelle.

Assez, Jean-Baptiste, assez. Si jusqu’à présent j’ai pu être pour toi un soleil, je ne dois plus te paraître désormais une planète resplendissante, et si je brille encore à tes yeux, ce ne sera plus que comme la foudre. Vainement, perfide que tu es, vainement, dans la folie et ton orgueil, tu prétends être arrivé au soleil ; tu n’as pu soutenir ton vol audacieux ; tu es tombé d’une façon ridicule, et tu ne te relèveras plus de ta chute. Qui jamais s’est vanté du mal qu’il faisait ? Crois-tu donc que d’odieuses dénonciations, que d’infâmes vengeances te serviront de titres à mon amour ? Si tu te regardais comme offensé par mon frère, tu devais le défier à l’épée, corps à corps ; tu aurais lavé ton injure, tu aurais mérité mon estime. Mais cette estime, tu ne l’obtiendras pas par d’abominables calomnies… Après tout, pourquoi m’étonné-je ? il est naturel qu’ils se vengent en traîtres, les lâches qui n’ont pas osé se venger noblement en se mettant en face de leur adversaire. Tu le comprends, c’est ta déposition qui a amené ce changement dans mon cœur ; et quelle affection ne serait pas à jamais abolie par une conduite aussi infâme ?

Elle sort.
jean-baptiste.

Écoutez, Isabelle.

casilda.

Elle a cent fois raison.

Elle sort.
jean-baptiste, à part.

Je joue de malheur. Je croyais par là l’obtenir, et je la perds ! Ah ! ciel injuste, toutes les peines que j’ai prises devaient-elles tourner à ma confusion ?

pedro.

Si vos chagrins vous ont laissé un peu de mémoire et de jugement, vous ne refuserez pas, j’espère, d’embrasser un homme qui a souffert pour vous et l’exil et mille maux.

jean-baptiste.

C’est toi, Pedro ? Sois le bienvenu.

pedro.

À votre service.

jean-baptiste.

Si tu te mettais réellement à mon service, je serais trop heureux.

pedro.

Parlez, commandez, et vous verrez.

jean-baptiste.

Ne viens-tu pas demeurer chez Isabelle ?