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LOUIS PEREZ DE GALICE.


Scène II.

Un chemin.
Entrent LOUIS PEREZ et MANUEL MENDEZ.
louis.

Après avoir mis en sûreté votre femme et ma sœur, mon premier soin, Manuel, a été de vous amener à l’écart. Ce n’est pas sans motif que j’ai voulu être seul avec vous. J’ai une affaire d’importance sur laquelle je désire prendre votre avis. Hier au soir, en lisant chez le juge la procédure faite contre moi, j’y ai trouvé la déclaration d’un faux témoin, d’un homme si infâme, qu’il prétend que j’accompagnai don Alonzo lorsqu’il alla se battre, et que nous avons traîtreusement donné la mort à don Diègue. Voyez, mon cher ; je vous laisse à juger s’il me faut souffrir l’insolence d’un misérable qui a voulu, par ses calomnies, souiller la conduite d’un malheureux auquel on ne saurait reprocher d’autre faute que de s’être comporté en homme d’honneur.

manuel.

Et quel est ce témoin ?

louis.

Quand vous saurez son nom, vous verrez si cela ne doit pas ajouter à ma colère. C’est Jean-Baptiste.

manuel.

Ne vous en étonnez pas, Louis Perez ; c’est un lâche, et toujours les lâches, n’osant pas se servir de l’épée, ont recours à la calomnie ou à la fuite. Allons, marchons, et nous moquant de tout, arrachons-le de sa maison, fût-ce en présence du juge lui-même ; menons-le de force sur la place publique, et, là, faisons-lui avouer qu’il est un infâme et un faux témoin. Moi aussi, j’enrage de penser que je l’ai épargné dans la nuit de l’escalade.

louis.

Oui, mon ami, châtions l’infâme. Je vous sais gré d’entrer ainsi dans mon ressentiment ; mais il faut dans l’exécution plus de prudence. Il y a, vous le savez, deux sortes d’affaires d’honneur. Celle qui me cherche ; qui vient au-devant de moi, doit, dans toutes les situations, me trouver toujours prêt, quel qu’en puisse être le résultat. Mais dans celle que je cherche, moi, je dois au contraire prendre mes précautions ; car, pour se battre comme pour nager, le plus habile est toujours celui qui sait conserver son manteau. — J’entends du monde. Suivez-moi ; vous verrez comment je veux vivre en prenant ce qu’on me donnera sans faire de mal à personne, car je suis un voleur plein d’honneur.


Entre un VOYAGEUR.
le voyageur, à la cantonade.

Mendo, mène mon cheval en main jusqu’au sortir de la forêt. Le