Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome III.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
JOURNÉE III, SCÈNE II.

louis.

Ah ! malheureux ! j’ai manqué l’occasion !

léonor.

Voici quelqu’un.

le juge.

Qu’est-ce donc ?


Entre PEDRO, conduit par des ALGUAZILS.
premier alguazil.

C’est un prisonnier que nous vous amenons.

deuxième alguazil.

Seigneur juge, nous avons trouvé, sur la route de Portugal, ce rustre, qui a été domestique de Louis Perez. Il doit savoir de ses nouvelles ; car il a quitté Salvatierra lorsque son maître s’est enfui pour la première fois ; il est revenu avec lui, et maintenant il fuyait.

le juge.

Voilà de graves indices.

pedro.

Oui, monseigneur, on ne peut plus graves ; car en Allemagne ou en Flandre, à la Chine ou au Japon, partout où je serai, il y sera aussi.

le juge.

Eh bien, alors, où est-il à présent ?

pedro.

Oh ! soyez tranquille, il ne peut pas tarder à paraître. C’est le maître le plus dévoué qui existe, et une fois qu’il me saura prisonnier, il se laissera prendre pour le seul plaisir d’être avec moi.

le juge.

Mais enfin, où est-il ?

pedro.

Je ne le sais pas, mais je jurerais qu’il n’est pas loin d’ici.

le juge.

D’où te vient cette idée ?

pedro.

C’est que moi y étant, il ne peut pas manquer d’y être. Il m’aime si tendrement, vous dis-je, qu’il faut toujours qu’il soit près de moi… Mais, à parler sérieusement, si je savais où il est, je vous le dirais à l’instant, afin de me mettre à couvert de sa vengeance ; car ce que je crains le plus au monde, c’est mon ancien maître, Louis Perez. Si j’ai quitté ce pays, ç’a été pour me soustraire à sa fureur. Je me suis réfugié en Portugal, et le même jour j’y ai vu arriver Louis Perez ; je me suis sauvé en Andalousie, et le premier homme que j’y ai rencontré, c’est Louis Perez ; je suis revenu en Galice, et aussitôt Louis Perez y est revenu également, et la nuit dernière il m’a laissé pour mort. Délivré des mains de ce démon, j’ai voulu m’échapper, et ces gens-ci, seigneur juge, m’ont rattrapé au pre-