Non, sans doute ; et quoique l’on ne nous instruise pas comme vous, nous autres femmes, des lois de l’honneur, cependant une femme de ma sorte ne peut pas ignorer ce que l’on doit à une noble disgrâce. Si don Alonzo avait tué don Diègue dans un combat égal, il pourrait être, dans ma maison même, à l’abri de ma vengeance. Que dis-je ? moi-même je lui pardonnerais, je le protégerais, s’il n’avait été que malheureux.
Fort bien, madame ; j’accepte cette parole. — Et puisque la loi ordonne que nulle déposition ne soit valable si le témoin n’est confronté, Jean-Baptiste, voici la tienne : je l’ai lue, déclare à présent ce qu’il y a de vrai et ce qu’il y a de faux.
Quelle résolution ! quelle audace !
Premièrement, tu dis que tu étais caché lorsque tu vis les deux gentilshommes se battre : cela est-il vrai ?
Oui, sans doute.
Tu dis ensuite que tu m’as vu sortir de derrière quelques arbres, et me mettre à côté de don Alonzo, l’épée à la main. — As-tu dit la vérité ?
Je l’ai dite.
Ta langue infâme en a menti !
Dieu me soit en aide !
Seigneur juge, ajoutez cela à la procédure, et adieu. — Toi, Manuel, détourne les chevaux de ces messieurs, et partons. Puisqu’ils ont affaire ici, ils n’en auront pas besoin. Salut.
Par la vie du roi ! tant d’audace sera punie, ou moi-même j’y périrai.
Écoutez, madame, écoutez. Je meurs justement. Tout ce que j’ai dit était autant de mensonges que j’inventais pour pouvoir épouser sa sœur. Lorsque don Alonzo a donné la mort à votre frère, ç’a été corps à corps, épée à épée. Telle est la vérité. Je la déclare à haute voix, pour n’avoir pas cette dette à payer après ma mort.