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LE SECRET À HAUTE VOIX.

déguisé, et qui, maintenant, évite de se montrer, et même se cache ?

frédéric.

C’est un de mes amis à qui j’ai toutes sortes d’obligations.

fabio.

Est ce que vous l’avez eu pour page[1] ? Mais, après tout, de quoi est ce que je me mêle ? qu’il soit ce qu’il voudra, il est toujours le bienvenu. Au bout du compte, nous n’en dînerons que mieux ces jours-ci. Car s’il est ennuyeux de faire des façons pour le lit, il est aimable, spirituel et de bon goût d’en faire pour la table.

frédéric.

Voici qu’on revient, Fabio ; silence.

Nouvelle entrée de la DUCHESSE et de sa Suite.
flora, chantant.

« Si tu aimes la belle Atalante sans être digne d’elle, sache souffrir et te taire ; car le même motif qui te la fait aimer doit t’empêcher de la haïr. Accuse ta malheureuse étoile et non pas son caractère capricieux, sans alléguer, ô mon cœur, que tu as perdu la raison. »

tous les musiciens.

« Car si la raison ne te sert de rien quand tu aimes, à quoi te sert d’avoir raison d’aimer ?

la duchesse.

De qui sont les paroles ?

frédéric.

Elles sont de moi, madame.

la duchesse.

J’ai remarqué que dans tout ce que l’on me chante de votre façon, vous vous plaignez toujours de l’amour.

frédéric.

C’est que je suis sans fortune, madame.

la duchesse.

Qu’importe, pour aimer ?

frédéric.

Cela importe pour mériter. Aussi voyez-vous, madame, que je me plains, non pas d’aimer, mais de ne pas mériter.

la duchesse.

Eh quoi ! Frédéric, vous aimez un objet si peu digne, qu’il se laisse guider par des vues d’intérêt ?

frédéric.

Ce n’est point celle que j’aime qui fait attention à ma pauvreté.

  1. … Le huviste
    doncel ?

    Je soupçonne qu’il y a ici une plaisanterie d’un goût fort équivoque.