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possédant à la cour des places éminentes, me l’ont assuré, et beaucoup de choses pouvaient confirmer cette opinion. Au voyage de Fontainebleau, l’année du mariage, on gagna les inspecteurs des bâtimens, pour que l’appartement de Monseigneur le dauphin, attenant à celui de la dauphine, ne se trouvât pas achevé, et on lui en fit donner un provisoirement à l’extrémité du château. La dauphine, sachant que c’était le résultat d’une intrigue, eut le courage de s’en plaindre à Louis XV, qui, après de sévères réprimandes, donna des ordres si positifs, que dans la semaine l’appartement se trouva prêt. Tout était employé pour entretenir et augmenter la froideur que le dauphin témoigna long-temps à sa jeune épouse. Elle en fut profondément affligée, mais ne se permit jamais d’articuler la moindre plainte à cet égard. L’oubli, le dédain même pour des charmes qu’elle entendait louer de toutes parts, rien ne lui faisait rompre le silence ; et quelques larmes, qui s’échappaient involontairement de ses yeux, étaient les seules traces que son service ait pu voir de ses peines secrètes.

Un seul jour, fatiguée des représentations déplacées d’une vieille demoiselle qui lui était attachée, et qui voulait s’opposer à ce qu’elle montât à cheval, dans la crainte que cela ne l’empêchât de donner des héritiers à la couronne : « Mademoiselle, lui dit-elle, au nom de Dieu, laissez-moi en paix, et sachez que je ne compromets aucun héritier. »