Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’amour et d’attachement plus unanimes. Il est à remarquer pourtant qu’au milieu de cette ivresse le parti anti-autrichien ne perdait pas la jeune reine de vue, et guettait, avec la malicieuse envie de lui nuire, les fautes qui pourraient échapper à sa jeunesse et à son inexpérience.

On eut à recevoir à la Muette les révérences de deuil de toutes les dames présentées à la cour ; aucune d’elles ne crut pouvoir se dispenser de rendre hommage aux nouveaux souverains. Les plus vieilles comme les plus jeunes dames accoururent pour se présenter dans ce jour de réception générale ; les petits bonnets noirs à grands papillons, les vieilles têtes chancelantes, les révérences profondes et répondant au mouvement de la tête, rendirent, à la vérité, quelques vénérables douairières un peu grotesques ; mais la reine, qui avait beaucoup de dignité et de respect pour les convenances, ne commit pas la faute grave de perdre le maintien qu’elle devait observer. Une plaisanterie indiscrète d’une des dames du palais lui en donna cependant le tort apparent. Madame la marquise de Clermont-Tonnerre, fatiguée de la longueur de cette séance, et forcée, par les fonctions de sa charge, de se tenir debout derrière la reine, trouva plus commode de s’asseoir à terre sur le parquet, en se cachant derrière l’espèce de muraille que formaient les paniers de la reine et des dames du palais. Là, voulant fixer l’attention et contrefaire la gaieté, elle tirait les jupes de ces dames, et faisait mille espiégleries.