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Le contraste de ces enfantillages avec le sérieux de la représentation qui régnait dans toute la chambre de la reine, déconcerta Sa Majesté plusieurs fois : elle porta son éventail devant son visage pour cacher un sourire involontaire, et l’aréopage sévère des vieilles dames prononça que la jeune reine s’était moquée de toutes les personnes respectables qui s’étaient empressées de lui rendre leurs devoirs ; qu’elle n’aimait que la jeunesse ; qu’elle avait manqué à toutes les bienséances, et qu’aucune d’elles ne se présenterait plus à sa cour. Le titre de moqueuse lui fut généralement donné, et il n’en est point qui soit plus défavorablement accueilli dans le monde.

Le lendemain il circula une chanson fort méchante, et où le cachet du parti auquel on pouvait l’attribuer se faisait aisément remarquer. Je ne me rappelle que le refrain suivant :


Petite reine de vingt ans,
Vous, qui traitez si mal les gens,
Vous repasserez la barrière
Laire, laire, laire lanlaire, laire lanla.


Les fautes des grands ou celles que la méchanceté leur attribue, circulent avec la plus grande rapidité dans le monde, et s’y conservent comme une espèce de tradition historique que le provincial le plus obscur aime à répéter. Plus de quinze ans après cet événement, j’entendais raconter à de vieilles dames, au fond de l’Auvergne, tous les