Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/15

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annoncé sans mystère, se réalisait avec rapidité. Aujourd’hui que la Russie n’a pris des arts et de la civilisation de l’Europe que ce qui peut accroître ses forces militaires, et non ce qui pourrait amollir ses soldats ; aujourd’hui que ses peuples, nés sur un sol ingrat, sous un ciel rigoureux, ont respiré l’air doux et pur de nos contrées ; si ce puissant colosse qui déjà presse l’Europe au centre, pouvait encore, de ses bras étendus, toucher de la Baltique à la Méditerranée, quel refuge, quel rempart resterait à l’indépendance des nations menacées ? elles n’en auraient point d’autres que la coalition des États du Midi ; et c’était là précisément l’objet du pacte de famille, conçu avec prudence, consommé avec adresse par le duc de Choiseul, et que fortifiait l’alliance avec l’Autriche. Au lieu d’en accuser la légèreté du ministre, il me semblerait aujourd’hui plus juste d’en faire honneur à sa prévoyance ; cependant l’alliance avec l’Autriche était alors le prétexte accoutumé des attaques dirigées contre lui.

J’aurais voulu éviter ces détails ; mais les divisions qu’enfanta la rivalité des deux ministres tiennent de trop près à l’histoire des temps dont madame Campan va parler. Le duc de Choiseul avait pour lui les parlemens, les philosophes et l’opinion. Le parti du duc d’Aiguillon comptait pour soutien les dévots et madame Du Barry. Les deux factions se disputèrent les dernières volontés de Louis XV expirant ; elles troublèrent les premières années du règne de Louis XVI, et l’on verra bientôt quelle funeste influence la haine du parti anti-autrichien exerça sur la destinée de la jeune Marie-Antoinette.

L’idée d’unir la fille de Marie-Thérèse au petit-fils