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ques pensions, faisaient alors toute la fortune de la favorite. Je n’ai jamais vu la reine lui faire de présens d’une valeur réelle ; je fus frappée même d’entendre un jour S. M. raconter avec plaisir que la comtesse avait gagné dix mille francs à la loterie : elle en avait, ajoutait la reine, un très-grand besoin.

Les Polignac n’étaient donc point établis à la cour avec une splendeur qui pût légitimer aucun mécontentement. Les Noailles avaient peut-être lieu d’être blessés dans cette occasion ; ils avaient quelques droits sur la survivance du comte de Tessé : le rétablissement de la place de surintendante avait aussi été un désagrément pour la comtesse de Noailles qui, s’étant trouvée avoir une supérieure, avait pris sa retraite. Cette famille, prépondérante à la cour, ne fut pourtant pas la seule que la fortune du comte de Polignac indisposa contre Marie-Antoinette. Ce qu’un courtisan voit obtenir à d’autres lui semble toujours pris sur son bien, c’est une règle. Dans cette occasion cependant on envia moins le matériel des grâces accordées aux Polignac, que l’intimité qui allait s’établir entre eux, leurs cliens et la reine. On vit, dans le cercle de la comtesse Jules, une porte ouverte pour obtenir la faveur, les grâces, les ambassades. Ceux qui n’avaient pas l’espoir d’y entrer furent irrités.

Le salon de madame de Polignac a fait un grand tort à Marie-Antoinette ; il a puissamment excité ses ennemis. Cependant, au temps dont je parle, la société de la comtesse Jules, tout occupée de conso-