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lider sa faveur, était loin de se mêler des affaires sérieuses auxquelles la jeune reine était encore étrangère. Lui plaire était le désir généralement partagé par tous les amis de la favorite. Le marquis de Vaudreuil régnait dans la société du comte et de la comtesse Jules : c’était un homme brillant, ami et protecteur des beaux-arts. Parmi les gens de lettres et les artistes célèbres, il avait une nombreuse clientelle[1].

Le baron de Besenval avait conservé la simplicité des Suisses, et acquis toute la finesse d’un courtisan français. Cinquante ans révolus, des cheveux blan-

  1. M. de Vaudreuil aimait passionnément les arts et les lettres : il se plaisait à les encourager plus encore en amateur qu’en homme puissant. Toutes les semaines il donnait un dîner qui était uniquement composé de littérateurs et d’artistes. La soirée se passait dans un salon où l’on trouvait des instrumens, des crayons, des couleurs, des pinceaux, des plumes et chacun composait, peignait, écrivait selon son goût ou son talent. M. de Vaudreuil lui-même en cultivait plusieurs. Sa voix était fort agréable ; il était bon musicien. Ce talent le fit rechercher dès son entrée dans le monde. La première fois qu’il fut reçu chez madame la maréchale de Luxembourg : « Monsieur, lui dit-elle après le souper, on dit que vous chantez fort bien ; je serais charmée de vous entendre ; mais, si vous avez cette complaisance pour moi, ne me chantez point d’ariettes, point de grands airs, un Pont-Neuf, un simple Pont-Neuf. J’aime le naturel, l’esprit, la gaieté. » M. de Vaudreuil demanda donc la permission de chanter un Pont-Neuf alors fort à la mode. Il ignorait que madame la maréchale de Luxembourg avait été, avant son veuvage, madame la comtesse de Boufflers. Il chanta d’une voix pleine et sonore le premier vers du couplet qui commence ainsi  :

    Quand Boufflers parut à la cour…