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chis lui faisaient obtenir cette confiance que l’âge mûr inspire aux femmes, quoiqu’il n’eût pas cessé de viser aux aventures galantes : il parlait de ses montagnes avec enthousiasme ; il eût volontiers

    Au moment même on tousse, on crache, on éternue. M. de Vaudreuil poursuit :

    On crut voir la mère d’Amour.

    Le bruit l’agitation redoublent. Mais, après le troisième vers,

    Chacun cherchait à lui plaire,

    M. de Vaudreuil s’arrête en voyant tous les yeux fixés sur lui. « Poursuivez donc, Monsieur, dit la maréchale en chantant elle-même le dernier vers :

    Et chacun l’avait à son tour. »

    Ce que le baron de Besenval a écrit de madame la maréchale de Luxembourg rend l’anecdote vraisemblable. Mais, dans une circonstance aussi difficile, peut-être la maréchale faisait-elle preuve de plus de présence d’esprit que d’impudence.

    M. de Vaudreuil réussit beaucoup dans le monde par son esprit et ses qualités. Il avait auprès des femmes un langage plein d’agrément et de charme, s’il faut en croire un mot de la princesse d’Hénin rapporté par madame de Genlis dans les Souvenirs de Félicie :

    « J’ai vu aujourd’hui Le Kain donner à un débutant une leçon de déclamation ; ce jeune homme, au milieu de la scène, saisit le bras de la princesse. Le Kain, choqué de ce mouvement, lui a dit : Monsieur, si vous voulez paraître passionné, ayez l’air de craindre de toucher la robe de celle que vous aimez.

    » Que de sentiment, et combien de choses délicates dans ce mot ! On les retrouve toutes dans le jeu parfait de cet acteur inimitable. Aussi madame d’Hénin a-t-elle dit qu’elle ne connaît que deux hommes qui sachent parler aux femmes : Le Kain et M. de Vaudreuil. »

    (Note de l’édit.)