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chanté le ranz-des-vaches avec les larmes aux yeux, et était en même temps le conteur le plus agréable du cercle de la comtesse Jules. La chanson nouvelle, le bon mot du jour, les petites anecdotes scandaleuses formaient les seuls sujets d’entretien du cercle intime de la reine. Le bel esprit en était banni. La comtesse Diane, plus occupée de littérature que sa belle-sœur, l’invitait un jour à lire l’Iliade et l’Odyssée. La comtesse répondit en riant qu’elle connaissait parfaitement le poëte grec et s’en tenait à ces mots :


Homère était aveugle et jouait du hautbois[1].

La reine trouvait ce genre d’esprit très-fort de son goût, et disait que jamais pédante n’eût été son amie.

L’éclat de cette maison n’eut donc lieu que plusieurs années après l’époque dont je viens de parler,

  1. Cette repartie vive et gaie de madame la duchesse de Polignac est une imitation plaisante d’un vers du Mercure galant. Un des procureurs dit à son confrère, dans la scène de la dispute :

    Ton père était aveugle et jouait du hautbois.

    Madame la duchesse de Polignac, avec un esprit fin et un goût délicat, pouvait ne pas attacher un très-grand prix au savoir : mais on a peu d’idée de l’instruction des hommes admis dans sa société, quand on lit l’anecdote suivante :

    « En 1781, la duchesse de Polignac était enceinte ; pour être plus à portée de faire sa cour à la reine, elle pria madame de Boufflers de vouloir bien lui louer sa maison d’Auteuil, célèbre par ses jardins à l’anglaise. Madame de Boufflers, qui était attachée aux agrémens de sa maison de campagne, désirait refuser madame la