Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/25

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En France, depuis le berceau jusqu’à la tombe, malades ou bien portans, à table, au conseil, à la chasse, à l’armée, au milieu de leur cour, ou dans leur intérieur, les princes étaient soumis au cérémonial. Ses lois indiscrètes les suivaient jusque dans les mystères du lit nuptial. Qu’on juge ce qu’une princesse, élevée dans la simplicité des cours d’Allemagne, jeune, vive, aimante et franche, devait éprouver d’impatience contre des usages tyranniques qui, ne lui permettant pas un seul instant d’être épouse, mère, amie, la réduisaient au glorieux ennui d’être toujours reine ! La femme respectable, que sa charge plaçait auprès d’elle comme un ministre vigilant des lois de l’étiquette, au lieu d’en alléger le poids, lui en rendait le joug insupportable. Encore n’était-ce que demi-mal, quand ces lois vénérables n’atteignaient que les personnes du service : la reine prenait le parti d’en rire. Je veux laisser madame Campan raconter, à ce sujet, une anecdote qui la concerne.

« Madame de Noailles, dit-elle dans un fragment manuscrit, était remplie de vertus : je ne pourrais prétendre le contraire. Sa piété, sa charité, des mœurs à l’abri du reproche, la rendaient digne d’éloges, mais l’étiquette était pour elle une sorte d’atmosphère : au moindre dérangement de l’ordre consacré, on eût dit qu’elle allait étouffer, et que les principes de la vie lui manquaient.

» Un jour je mis, sans le vouloir, cette pauvre dame dans une angoisse terrible ; la reine recevait je ne sais plus qui : c’était, je crois, de nouvelles présentées ; la dame d’honneur, la dame d’atours, le palais étaient derrière la reine. Moi j’étais auprès du lit avec les deux