Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

reine dans ses promenades de nuit sur la terrasse de Versailles, le public se permettant de les blâmer hautement. Le vieux ministre eut la cruelle politique de répondre au roi qu’il fallait la laisser faire ; qu’elle avait de l’esprit, que ses amis avaient beaucoup d’ambition et désiraient la voir se mêler des affaires, et qu’il n’y avait pas de mal de lui laisser prendre un caractère de légèreté[1]. M. de Vergennes était tout aussi opposé à l’influence de la reine que l’était M. de Maurepas. Il est donc très-présumable, lorsque le premier ministre avait osé trouver, en présence du roi, quelque avantage à laisser la reine se déconsidérer, que lui et M. de Vergennes se servaient de tous les moyens qui sont au pouvoir de ministres puissans, et profitaient des plus légères fautes de cette malheureuse princesse pour la perdre dans l’opinion publique.

  1. Ce trait digne d’un vieux courtisan, d’un ministre qui sacrifiait, à la conservation de sa place, l’honneur même de son souverain, s’accorde bien avec le portrait que Marmontel a tracé du comte de Maurepas. J’en citerai ici les passages qui ont le plus de rapport avec sa conduite dans la circonstance que madame Campan rapporte.

    « Une attention vigilante à conserver son ascendant sur l’esprit du roi, et sa prédominance dans les conseils, le rendaient jaloux des choix mêmes qu’il avait faits ; cette inquiétude était la seule passion qui, dans son ame, eût de l’activité. Du reste, aucun ressort, aucune vigueur de courage, ni pour le bien, ni pour le mal ; de la faiblesse sans bonté, de la malice sans noirceur, des ressentimens sans colère, l’insouciance d’un avenir qui ne devait pas être le sien, peut-être assez sincèrement la volonté du bien public, lorsqu’il le pouvait procurer sans