Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/28

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la fureur des grands de cette classe, lorsqu’ils voyaient la reine répandre sur autrui des grâces qu’ils voulaient n’être dues qu’à eux seuls, et l’on n’aura nulle peine à comprendre comment elle a trouvé des ennemis implacables parmi ceux qui l’approchaient. » La haine et la calomnie allaient bientôt avoir un nouveau prétexte.

Déjà, pour compromettre le nom le plus auguste et déshonorer celui d’un cardinal, se préparait ce complot obscur et scandaleux, conçu par une intrigante, ayant pour principal personnage un faussaire, et qui, secondé par une courtisane, fut dévoilé par un minime et raconté par un jésuite. Comme si les plus singuliers rapprochemens devaient, dans ce procès fameux, se trouver à côté des plus odieux contrastes, le nom de Valois, retombé depuis long-temps dans l’oubli, figurait à côté des noms de Rohan, d’Autriche et de Bourbon ; et quand tout se réunissait pour accuser un prêtre libertin et crédule, un grand seigneur ruiné avec huit cent mille livres de rentes, un prince de l’Église, dupe à la fois d’un escroc, d’une femme galante et d’un charlatan, ce fut la souveraine qu’offensait sa crédulité, et peut-être son coupable espoir, ce fut Marie-Antoinette qu’on osa soupçonner. La cour, le clergé, les parlemens se liguèrent pour humilier le trône et la princesse qui s’y trouvait assise. Au lieu de la plaindre on la blâmait : on ne lui pardonnait pas même de laisser éclater la douleur et l’indignation d’une femme, d’une épouse et d’une reine outragée.

On sait l’issue de ce procès fameux. Le cardinal fut absous. Mme  de Lamotte condamnée, flétrie, mais fugitive, se hâta de publier le plus odieux pamphlet contre la reine. Depuis cet instant funeste pour Marie-Antoi-