Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

au docteur Franklin, qui réunissait la renommée d’un des plus habiles physiciens aux vertus patriotiques qui lui avaient fait embrasser le noble rôle d’apôtre de la liberté. J’ai assisté à l’une de ces fêtes, où la plus belle, parmi trois cents femmes, fut désignée pour aller poser, sur la blanche chevelure du philosophe américain, une couronne de laurier, et deux baisers aux joues de ce vieillard[1]. Jusque dans le palais de Versailles, à l’exposition des porcelaines de Sèvres, on vendait, sous les yeux du roi, le médaillon de Franklin ayant pour légende :


Eripuit cœlo fulmen, sceptrumque tyrannis.

Le roi ne s’expliquait jamais sur un enthousiasme que, sans aucun doute, son sens droit le portait à blâmer : cependant la comtesse Diane ayant, à titre de femme d’esprit, partagé avec assez de chaleur l’engouement pour le délégué des Américains,

  1. Benjamin Franklin avait passé ses premières années dans les travaux de l’imprimerie : lorsqu’on apprit sa mort à Paris, en 1790, une société d’imprimeurs se réunit dans une salle du couvent des Cordeliers, pour y célébrer une fête funèbre en l’honneur du philosophe américain. Son buste était élevé sur une colonne au milieu de la salle : il portait sur la tête une couronne civique ; au-dessous du buste étaient des casses, une presse et tous les attributs de l’art que ce sage avait cultivé. Tandis qu’un imprimeur prononçait l’éloge de Franklin, des ouvriers l’imprimaient, et le discours, aussitôt composé et tiré que lu, fut distribué à grand nombre aux spectateurs que cette fête avait attirés. Les éclaircissemens contiennent quelques détails sur Benjamin Franklin, lettre (T).
    (Note de l’édit.)